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A l'occasion des 20 ans de L'Air de rien, lisez cet écho de lecture des 180 premiers numéros réalisé par l'APA :

En novembre 2003 sortait le premier numéro de cette chronique. L'occasion, aujourd'hui, de tirer le portrait de ce gros bébé de vingt ans. Grâce à l'écho-graphie de l'APA (1), une association qui collecte des textes autobiographiques (récits, correspondances, journaux intimes) que tout un chacun lui confie. Un fonds de plus de 4000 documents accessible au public aux Archives municipales d'Ambérieu-en-Bugey, près de Lyon. Les textes reçus sont d'abord lus en sympathie, selon un protocole précis, par un membre d'un groupe de lecture qui en établit un compte-rendu (un écho). Ayant déposé à l'APA l'intégralité de mes chroniques, Sylviane Pierrot, du groupe de lecture de Strasbourg, les a lues et en a rédigé l'écho dont L'air de rien de ce mois vous propose de longs extraits ICI ! 

 

 

ENTENDEZ-VOUS L'ECHO ?

En novembre 2003 sortait le premier numéro de cette chronique. L'occasion, aujourd'hui, de tirer le portrait de ce gros bébé de vingt ans. Grâce à l'écho-graphie de l'APA (1), une association qui collecte des textes autobiographiques (récits, correspondances, journaux intimes) que tout un chacun lui confie. Un fonds de plus de 4000 documents accessible au public aux Archives municipales d'Ambérieu-en-Bugey, près de Lyon. Les textes reçus sont d'abord lus en sympathie, selon un protocole précis, par un membre d'un groupe de lecture qui en établit un compte-rendu (un écho). Ayant déposé à l'APA l'intégralité de mes chroniques, Sylviane Pierrot, du groupe de lecture de Strasbourg, les a lues et en a rédigé l'écho dont L'air de rien de ce mois vous propose de longs extraits :

 

« Christian Lejosne introduit son volumineux dépôt (175 chroniques) en lui donnant le caractère de journal extime (expression empruntée à Michel Tournier), c’est-à-dire public, par différence avec le journal intime dont la vocation est de se parler à soi. Originaire du nord de la France, il s’est expatrié dans le sud en 2003, année où il débute ses chroniques, d’abord pour maintenir un fil avec ses amis éloignés, mais rapidement, les chroniques sont hébergées sur le site d’un ami, puis lues sur une radio associative.

Alibi ou support pour oser passer à l’écriture, ces chroniques sont un pas de côté pour cheminer avec soi. Son désir d’écrire remonte à la préadolescence et les premières lettres écrites à son frère aîné parti en Écosse. Écrire pour exister, faire exister, étayer ses pensées, faire émerger la difficile perception de soi. Éclairer le flou, l’insécure, comme des lunettes qui, tout à coup, rendraient le regard plus net, plus perspicace, plus juste. Écrire, en cheminant avec l’actualité parfois, avec les auteurs, la littérature, le cinéma. Tout est prétexte à interroger le monde, les autres, la politique, l’air du temps et revenir vers soi-même, ses colères, ses interrogations, ses coups de cœur, ses doutes, ses bonheurs. Deux thématiques récurrentes au fil de ces 20 ans de chroniques scandent son travail, comme le rythme d’une musique des mots, des émotions qui le traversent :

 

Qu’est-ce qu’un écrivain, comment l’écriture se construit, comment s’inspirer des auteurs ?

Découvrir les auteurs, les connaître, les dépecer, les mettre à nu, et, dans le miroir, se chercher, se trouver, s’identifier, se comprendre peut-être. Puis, comme un caillou lancé à la surface de l’eau, dans un troisième mouvement, celui d’écrire à son tour. Sans trop de dévoilement laisser planer l’imprécision. C’est peut-être cette « re-tenue », ce frémissement qu’on souhaitera demain, par des chroniques ou d’autres formes littéraires, découvrir plus « franchement » Christian Lejosne, chemin faisant, façonné encore et encore, comme le galet rond, doux, qui trône sur sa table de travail. De cette démarche est née un livre, en 2017, Un fil rouge, sur l’enfance des auteurs et les caractéristiques des œuvres.

Comment comprendre ce qui nous a construit, délier ce qui nous empêche encore d’accéder au désir et à la liberté ?

« J’ai pris la plume comme d’autres prennent les armes, le maquis ou la tangente. Des chroniques qui ne parlent de rien, de tout, de moi, du monde ». Les pérégrinations de Christian Lejosne le conduisent sur des terrains cabossés, ceux de l’enfance aux souvenirs reconstitués, ceux de l’adolescence aux amitiés qui comptent, qui se font et se défont, ceux du travail et des engagements. Ce n’est pas en une simple phrase que peut s’exprimer ce qui nous construit. Nos priorités et nos certitudes d’un temps, s’interrogent et s’effacent. Toujours revient, lancinant, le temps passé, le temps accéléré, le temps qui défile. Avec l’écriture, le temps se suspend, s’interprète, se décompose, revient puis repart vers d’autres horizons, d’autres regards, d’autres manières de prendre place.

 

Pourquoi écrire ?

Curieux, soucieux peut-être, Christian Lejosne se laisse interroger par la psychanalyse, la psychologie, la méditation, la psycho-généalogie (Freud, Jung, Jacques Salomé, Tobie Nathan, Alice Miller). La vie des autres et leurs turpitudes l’inspirent et nourrissent sa légitimité à écrire : La vie de Job, de Pierre Assouline : « pour mettre à distance sa souffrance, il faut la métamorphoser ». Cioran « On ne devrait écrire des livres que pour y dire des choses qu’on oserait confier à personne… ». Lettre au père, de Franz Kafka : « Écrire à l’autre comme seule issue ». Il s’inscrit dans la lignée d’Annie Ernaux, Édouard Louis, Patrick Modiano, Pascal Bruckner, Lionel Duroy, Delphine de Vigan. Autant d’auteurs pour lesquels l’écriture est une nécessité ou un flambeau, un lien qui bien que singulier, unit les êtres et les existences. Christian Lejosne donne des indices sur son besoin d’écrire « j’écris pour anéantir la distance qui me sépare de ceux que j’aime. J’écris pour rendre ma vie habitable. En écrivant je me tiens en « arrière-plan ». La disparition, le manque, la perte, la mort, tout cela est la source de l’écriture. S’il n’y avait pas de mystère, il n’y aurait pas de raisons d’écrire. Écrire pour reprendre la parole, dans ses récits d’enfance, C. L. dit : « Enfant je me suis souvent senti privé de parole. Chacun se battait pour prendre la parole, c’est rarement moi qui gagnais ».

Ces 20 ans de chroniques sont comme un panneau indicateur pour tous ceux qui doutent, qui se questionnent sur leur désir d’écrire, leur besoin de parole, de traces. Pour ceux qui ignorent encore l’audace du stylo, de la plume ou du clavier. Ceux qui attendent le moment où ils oseront basculer dans l’incertain, la fragilité et l’immense plaisir du laisser-aller, du plein et du délié. Christian Lejosne montre à sa manière le chemin de l’écriture et de fait, celui de la vie. »

Sylviane PIERROT

(1) Site Internet de l'APA : http://autobiographie.sitapa.org/

 

Un immense merci à Sylviane Pierrot pour cet écho de lecture en sympathie