"…moi je me suis offert ce luxe de la lecture en diagonale a priori parce que c’est avec cette méthode – là que j’ai lu dans mon passé où j’ai déterré des images enfouies de ma vie transformées par la parole en lignes unidimensionnelles Je pense qu’en plongeant cette sonde oblique dans mon inconscient et dans mon conscient en gestation j’ai procédé à la manière de M. Barande : en construisant une voie de chemin de fer près de Prague il a trouvé dans les couches obliques de la structure dans les couches rocheuses en diagonale d’étonnants trilobites de même grâce à la lecture en diagonale le lecteur trouvera ici des empreintes de son propre moi."
Bohumil Hrabal, Les noces dans la maison
Le 3 décembre 2003, j’envoyais une première chronique – sur laquelle j’avais sué sang et eau pour exprimer deux idées bancales – à l’ensemble de mon fichier d’adresses électroniques. Le message qui accompagnait cet envoi précisait : « Cela fait un moment que ça me démangeait et j’ai décidé de passer à l’acte. J’ai pris la plume, comme d’autres prennent les armes, le maquis, la tangente. D’où cette chronique de l’air du temps qui s’écrira au gré de mes envies, de mes humeurs, des coups de gueule et des coups de blues qui parsèment nos existences. Une chronique aléatoire à publication aléatoire, qui parle de riens, de tout, de moi et du monde, de ce grand vide sidéral où nous mène ce troisième millénaire naissant avec tous ses excès : le toujours plus, toujours plus vite, toujours plus kitsch, toujours plus faux. »
Ce cycle d’écriture, commencé dans la fébrilité – je n’avais pas écrit depuis mon adolescence – dure depuis cinq années. Progressivement, je découvrais qu’il s’agissait d’une étape importante. Me dévoiler mois après mois comme on le fait dans un journal intime. Poser les questions qui me viennent, au fur et à mesure qu’elles viennent, dans un ordre décousu, sans savoir ce qu’il me serait offert d’écrire dans la chronique suivante. Aller recontacter le meilleur de moi et le donner à lire. Comme un perpétuel examen de conscience. Une hygiène de vie. Un sport de combat. Un acte d’amour aussi.
Chaque chronique avait sa cohérence propre, s’inscrivant dans un sillon particulier de ma vie. En les relisant toutes en diagonale à la manière de M. Hrabal, des couches obliques des textes couvrant ces cinq années se dégage une cohérence nouvelle. Les extraits rassemblés dans le présent ouvrage sont le résultat de cette relecture en oblique ; ils tracent un chemin de vie identifiant des lignes de force ayant échappé tant à ma vie qu’à l’écriture même de ces chroniques. Un étonnant trilobite (1) s’en dégage.
Les chroniques originales sont consultables sur le site : http://paulmasson.atimbli.net dans la rubrique Plaisir d’écrire.
(1) trilobite : arthropode marin, fossile de l’ère primaire, dont le corps était divisé en trois parties (Petit Larousse)