UN ÉTÉ 1913 | En ce dernier été avant la Grande guerre, les Rousseaux partent en vacances, Honoré fait son service tandis que Simonne parcourt les bals du tout-Paris. Marcel Leclaire, enfant de l'Assistance publique, fait une fugue... Vous avez été nombreux à nous offrir quelques souvenirs rapportés de cette année-là. Fragments émouvants de vos sagas familiales.
Placement et errements de Marcel Leclaire, enfant de l'Assistance
Marcel sentit monter en lui un besoin d’autonomie et de
reconnaissance que les membres de la maison Graire ne pouvaient lui donner et qu’il tenta d’aller chercher ailleurs : « Je crois sage de vous prévenir que je suis sorti de
chez Graire Alphée de Sailly-au-Bois » écrivit-il de sa belle plume au directeur de l’Agence des enfants assistés. « Pour les motifs tel que voici : quand on a bien travaillé
on se fait disputer ou on vous traite de con, de gogo, d’idiot ou de propre à rien, que je ne méritais pas mon argent… Ayant trouvé une place à Hébuterne, pour les travaux des champs, ici j’y
serai bien car ce sont de bonnes gens, compatissants pour les malheureux. En attendant le plaisir de vous lire ou de vous voir, recevez, cher Monsieur, ma vive reconnaissance. » Dans sa
précipitation, Marcel omet de dater sa lettre.
Le courrier de madame Graire au directeur de l’Agence de
Doullens donnait davantage d’explications. L’institutrice perdait patience. Dans sa colère, elle désignait Marcel par son nom de famille : « C’est avec un grand regret que je me vois
dans la nécessité de vous informer de ce qui se passe ici. Pour une banalité, Leclaire a quitté la maison hier midi et ce matin n’est pas rentré. Mon mari voulait lui couper cette bande de
cheveux qui lui tombe jusqu’au nez et le gamin s’est sauvé. Hier soir, j’ai fait le village mais en vain ! J’ai dû rentrer seule chez moi. Je dois vous dire que Leclaire est boudeur, coléreux.
Sur une simple observation il m’a boudée trois jours la semaine dernière. De plus, il est irrespectueux avec ma grande jeune fille qui a pris une suppléance grâce à la bonté de l’Inspecteur
d’Académie. Je vous répète, il est impoli avec son patron également. Il doit s’en aller, ou, s’il rentre, changer de conduite. Il est susceptible, on n’a pas le droit de le réprimander. J’en ai
fait un jeune homme accompli, sobre, honnête. Je dois donc vous dire que je suis payée d’ingratitude ! Monsieur le Directeur doit savoir, ainsi que tous, que j’ai servi de mère à Leclaire. Je
souhaite qu’il rentre dans une ferme, il verra le changement, il a besoin d’une leçon sévère pour l’aider dans la vie. Avec tous mes regrets pour vous importuner ainsi, Monsieur le Directeur sait
combien mon mari et moi nous lui sommes dévoués. » Ajouté au travers de la lettre : « Leclaire fréquente trop de mauvaises compagnies pour son bien. » En fait de
bonnes gens compatissants pour les malheureux, Marcel mesure vite qu’il a perdu au change. Dès le lendemain, il fait marche arrière et envoie un télégramme au directeur de l’Agence de Doullens
: « Rentre chez Monsieur Graire. »
Archives personnelles de Christian Lejosne sur son grand-père maternel Marcel Leclaire – il a écrit Le silence a le poids des larmes, éd. L’Harmattan, livre retraçant l’enfance de ce grand-père et dont est tiré l'extrait ci-dessus. « 1er juin 1913. Marcel Leclaire, est un adolescent de dix-sept ans qui signe son quatrième contrat annuel de travail. Enfant né sans père déclaré, placé à l’Assistance publique de Paris à l’âge de 10 ans par sa mère malade, Marcel a été conduit en Picardie où il a terminé sa scolarité obligatoire dans la classe unique de Bayencourt, un village de quarante-cinq ménages. Juliette Graire, son institutrice, est parvenue à le hisser jusqu’au certificat d’études primaires. Son mari ayant besoin d’une aide à la ferme, elle obtient de devenir sa nourrice. Il vivra dans cette famille jusqu’à son départ volontaire et anticipé pour le front en 1916. Les courriers dont il est fait référence ici sont consignés dans le dossier immatriculé 174.626 de l’enfant assisté Marcel Leclaire aux Archives de Paris. »
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C'est à Arras que le virus de la littérature leur a été inoculé
La 12e édition du Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale, le mercredi 1er mai, sera l’occasion de retrouvailles avec deux écrivains qui ont vu le jour et grandi à Arras : Pierre Willi, artiste, conteur et auteur de six ouvrages, dont un thriller, «Le monstre d’Arras», paru en 2008 aux Editions Ravet-Anceau, et Christian Lejosne, dont le dernier roman, «Le silence a le poids des larmes», vient de paraître aux Edition L’Harmattan. Interview croisée...
Propos recceuillis par Hubert FERET
Lire l'article paru dans la Voix du Nord
"Un livre écrit comme un polar. Aller à la pêche à l'information dans des archives. Retrouver des actes de naissance, de décès. On est très proche d'un travail policier."
"Un livre sur des écritures et d'abord un livre très personnel sur des recherches généalogiques" (Laure MERAVILLES - Radio Clapas)
Ecoutez l'interview de Christian LEJOSNE par Laure MERAVILLES dans l'émission "Livres à vous" du 25 février 2013 sur Radio Clapas à Montpellier. Durée 20 minutes
Article pleine page, en page d'Arras de La Voix du nord du 15 décembre 2012 : "En littérature non plus, Christian Lejosne n'est pas un bleu !"
Extraits :
"Parti depuis 10 ans se faire dorer la couenne au soleil montpelliérain, Christian Lejosne est de retour à l'ombre du beffroi qui l'a vu naître. Pour parler de son livre, paru chez l'Harmattan "Le silence a le poids des larmes". Car il est aussi entre-temps devenu écrivain."
Interview réalisée par Hubert FERET.
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"Un livre bien contruit et charpenté, avec un style !" (Jean Pasqualini)
"Dans ce livre, il y a énormément de qualités qu'on trouve rarement réunies dans une même oeuvre. Il y a une qualité d'enquêteur, de flic, d'historien qui sait mobiliser les documents d'archives, les faire parler, les intégrer à une histoire. Et puis, il y a des qualités d'écriture absolument indéniables. On est pris par le style, le rythme, le suspense, la construction." (Laurent Cordonnier)
Ecoutez l'interview de Christian Lejosne par Jean Pasqualini et Laurent Cordonnier dans "Tumultes" du 18 décembre 2012. Durée 75 minutes.